La Maison de la Culture ouvre pour la troisième année consécutive son cinéma à Bandits-Mages et à l’École nationale supérieure d’art de Bourges. Occasion d’introduire à nouveau dans le lieu solennel de la salle de cinéma des films aussi singuliers qu’incontournables. Un programme mensuel, « Animation, réanimation », composé avec Érik Bullot, cinéaste, enseignant à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, est proposé à destination des étudiants et de tous les curieux cinéphiles.
– Un verre est offert à l’issue de chaque séance.
Réalisé en 1914 par Winsor McCay, l’auteur de la bande dessinée Little Nemo, l’un des premiers films consacrés de l’histoire du dessin animé s’intitule Gertie the Dinosaur. L’animal préhistorique doit répondre aux sollicitations de son créateur. Saura-t-il se montrer docile ? Dès ses débuts l’objet du dessin animé consiste à donner vie à un être disparu depuis des millions d’années. Quel est le lien entre l’animation (l’illusion du mouvement et de la manifestation du vivant) et la réanimation (le retour de la vie, le rétablissement de l’homéostasie) ? L’animation suppose-t-elle, de manière structurelle, la réanimation ?
Au moment où le cinéma est entré dans son âge postmortem, cette question est d’une brûlante actualité. Quelle est la place désormais de l’animation au sein des images en mouvement ? Selon l’hypothèse de Lev Manovich énoncée dans son ouvrage le Langage des nouveaux médias, le cinématographe, basé sur l’enregistrement photographique continu, n’aura été qu’une parenthèse dans une histoire plus générale, à savoir celle de l’animation, des premiers jouets optiques au cinéma numérique actuel. Qu’en est-il aujourd’hui de la survie du cinéma ?
Les films contemporains, en multipliant séances d’hypnose, voyages dans le temps, rêves emboîtés, récits post-mortem, ne cessent d’énoncer ce paradoxe. Les questions liées au couple « animation, réanimation » inquiètent en effet les ruptures du lien social, les effets traumatiques dus aux guerres et aux catastrophes, les impératifs de l’urgence médicale, la sortie du coma, la cause animale, la robotique, le motif de la survie. Où passe la limite entre animation et réanimation ? Comment vivre après la mort ? Où passe, désormais, la frontière du vivant ?
Tel est le cadre de cette programmation qui réunira aussi bien des films d’auteur, d’animation que des classiques, témoignant de la manière dont la question du vivant et de la survie informe le devenir du cinéma.Érik Bullot
Programme
23 octobre 2014
Le Cirque, Chaplin (1928)
À travers les déboires d’un vagabond qui provoque le rire à son insu, Le Cirque offre une fable philosophique sur les vertiges croisés de l’automate et de l’animal.
20 novembre 2014
Grizzly Man, Werner Herzog (1997)
Sous la forme d’une enquête documentaire, ce film tente d’éclairer la personnalité complexe de Timothy Treadwell qui vécut auprès des grizzlys en Alaska, persuadé d’une réelle complicité entre l’homme et l’animal.
18 décembre 2014
Shara, Naomi Kawase (2003)
L’enfant disparaît. Est-il ravi par les dieux ? Comment surmonter la disparition ? Par le biais de longues déambulations dans la ville de Nara, Shara croise les motifs du deuil, de l’adoption et de l’enfantement.
29 janvier 2015
Cléo de 5 à 7, Agnés Varda (1962)
« La carte de la mort peut aussi être un signe de renaissance » dit la voyante dans le prologue du film. Comment renaître et se transformer ? La maladie est-elle le signe d’une métamorphose ?
19 février 2015
Valse avec Bachir, Ari Folman (2008)
En vue d’éclairer d’un jour nouveau les souvenirs liés au massacre de Sabra et Chatila, Valse avec Bachir recourt à la technique de l’animation. Comment effacer l’amnésie ? L’animation induit-elle la réanimation ?
26 Mars 2015
Enter the Void, Gaspar Noé (2009)
« Sa conscience émerge alors, et il ne sait pas s’il est mort ou non », nous apprend le Livre des morts tibétain. Tel est le principe de ce film éblouissant qui raconte les péripéties d’un esprit dans le Tokyo moderne. Comment échapper au cycle de la réincarnation ?
16 avril 2015
Au hasard Balthazar, Robert Bresson (1966)
À travers les péripéties et les souffrances d’un âne, Au hasard Balthazar brosse les portraits d’une humanité douloureuse. L’animal est-il notre bouc émissaire ?