RÉSIDENCE DE SIMON FRAVEGA

RÉSIDENCE DE SIMON FRAVEGA

Bandits-Mages accueillera l’artiste Simon Fravega en résidence durant l’été 2017. La résidence de Simon Fravega donnera lieu au tournage d’une scène de son film Le zouave de Neptune.


À propos du film Le zouave de Neptune, projet de résidence 

INTRODUCTION

Le 28 janvier 1910, la Seine atteint son niveau maximal de 8,62 mètres sur l’échelle hydrométrique. Il s’agit de la grande crue centennale, qui chaque année, a une chance sur cent de se produire. De nombreux quartiers de Paris sont affectés par la montée des eaux. Les députés, pour réamorcer la reprise du travail, se rendent à l’Assemblée nationale en barque. La décrue prendra environ 35 jours, un boule – versement dans la vie des parisiens. Face à cette catastrophe d’ampleur nationale, le Préfet de zone de défense de Paris a lancé un important travail de planification qui comprend la sensibilisation des opérateurs (EDF, France Télécom, RATP, SNCF, etc.) et l’organisation des secours. C’est dans ce cadre que s’inscrit la force Neptune. Objectif : permettre la montée en puissance, puis la mise en place d’une force interarmée de 10 000 hommes susceptibles d’être engagés dès les premiers effets de la crue. La force Neptune conduit alors des missions de sécurité civile ou de sécurité intérieure, au sol et dans les airs, en complément des forces de sécurité primo intervenantes du ministère de l’Intérieur. À la RATP, il faut deux jours pour boucher tous les accès sur la zone inondable : 69 000 parpaings et 270 bétonnières sont stockés en banlieue pour ériger près de 500 ouvrages qui empêcheront les eaux de s’engouffrer dans le réseau. 1 300 personnes seront alors sur le pont. La plupart des grands musées et centres d’art sont en train de mettre en place un plan de sauvetage des œuvres stockées dans les réserves. Le Louvre a commencé à déplacer ces œuvres depuis 2003. Le Grand Palais et le Centre Pompidou se préparent en ce moment même à la montée des eaux. Une série de questions se posent : Quelle quantité et quelles oeuvres remplissent les stocks des musées et centres d’art ? Comment sauve-t-on des œuvres et quels sont les moyens mis en œuvre ? Qu’est-ce qu’on va sauver ? Sous quels critères (affectif, valeur marchande, valeur symbolique) ? À partir de la menace de la grande crue centennale et du déluge qu’il évoque, le film partira du plan de sauvetage du patrimoine pour évoluer vers des questions universelles sur ce qu’est l’art, sa valeur marchande, sa place dans notre société ain – si que sur le concept même d’exposition, de représentation et de musée. À partir d’interviews et d’expériences diverses, le film proposera plusieurs moyens pour sauver les œuvres d’art de façon à repenser notre relation à l’œuvre tout en faisant du grand plan de sauvetage, une grande performance artistique.


À partir de 5,5 mètres, lorsque le
zouave mouille sa culotte, l’armée
déclenche le plan Neptune et 10 000
hommes sont mobilisables en renfort.

NOTES D’INTENTIONS

En janvier 2014, j’ai rencontré Charlène Dinhut qui travaille au département de développement culturel du centre Pompidou. Elle m’a fait part d’une des mesures du plan Neptune qui consiste à former tout le personnel volontaire du centre afin qu’il puisse appliquer le protocole d’évacuation des œuvres situées en sous sol. Très intrigué par ce plan aux allures mythiques, j’ai effectué des recherches. À partir du moment où l’on doit sauver des oeuvres, une multitude de questions se posent sur l’Art, son essence, la manière dont on l’expose. Par la suite, j’ai rencontré le cinéaste Miguel Moraes Cabral avec qui j’ai partagé mon enthousiasme. Nous avons finalement développer le projet à quatre mains, entre la performance qui est mon médium, et le cinéma qui est le sien. Le centre Pompidou s’est ensuite proposé comme coproducteur du projet ce qui nous a poussé à le présenter à plusieurs institutions pour trouver les moyens de le financer. Le film est un documentaire fantaisiste, qui part d’un vrai constat – le danger de la crue centennale – pour dériver lentement vers un univers performatif qui questionne l’art et ses oeuvres. La grande crue devient un prétexte pour se questionner sur ce qu’on sauve, sur sa valeur immatérielle et sa signification. À partir d’une interview d’un militaire haut-gradé expliquant ce qu’est le plan Neptune, le film tisse un débat entre scientifiques, artistes et théoriciens de l’art. C’est l’occasion de penser à la spécificité des oeuvres pour trouver une manière adaptée à chacune d’elle pour les sauver de la montée des eaux. Les oeuvres d’Art se transforment-elles en simple objet lors du sauvetage ? Une oeuvre d’art stockée dans les réserves, privée de lumière et de spectateurs, garde-t-elle son statut ? Chaque personne interviewée apporte sa pierre dans la construction de ce film à multiples têtes qui met en scène Neptune et son plan pour la sauvegarde du patrimoine. Au fil du film, des inventeurs sont interviewés et partagent leurs expériences dans le but de préserver ou de protéger les œuvres face à la catastrophe imminente. Grâce aux avancées technologiques les plus pointues, comme les derniers produits imperméabilisants ou les caissons vitrés du Musée d’Orsay, les scientifiques exposent leurs expériences qui s’apparentent à des expérimentations artistiques : du sable hydrophobe sorti d’un verre à l’aide d’une cuillère devient instantanément sec comme par magie. Toutes ces mesures de sécurité viennent se greffer à l’œuvre et impliquent donc une nouvelle manière de l’appréhender à l’instar de la vitre pare-balle qui sépare le spectateur de la Joconde.


1914 – Le zouave du pont de l’Alma est à trois quart sous les eaux

Dans ce film multiforme, les images d’archives nous permettent de remonter dans l’histoire pour soutenir les arguments des gens interviewés. Les images de la grande crue de 1910 montre le côté spectaculaire, le danger et l’ampleur de la catastrophe. Nous avons également accès aux magnifiques images d’hommes qui rêvent de voler pour montrer que tout est possible, aux fouilles archéologiques en Egypte pour remplir les musées occidentaux, au décollage des sondes Voyager 1 et 2 dans l’espace contenant le fameux disque interstellar qui résume ce qu’est l’être humain. Le plan neptune nous amène à réfléchir aux œuvres qu’il faut impérativement sauver. Il s’agit alors de préparer cette arche d’œuvres d’art. Dans d’autres domaines, il existe de nombreux exemple qui témoigne d’un désir de préserver, de collecter ou de sauver. La réserve mondiale de semence du Svalbard perdu dans l’océan Arctique est une chambre forte destinée à conserver dans un lieu sécurisé des graines de toutes les cultures vivrières de la planète afin de préserver la diversité génétique. Un autre exemple : l’Université d’État de Moscou vient de se voir remettre la seconde subvention publique la plus importante de tous les temps : 194 millions de dollars dans le but de recueillir l’ADN de tous les êtres vivants et les conserver dans une banque de données unique en son genre, une arche de 430 kilomètres carrés qui trouvera place sur le campus de l’Université. Il faut donc donner une fonctionnalité aux œuvres d’art pour mieux les sauver et y réfléchir au cas par cas. La roue de Duchamp redevient une roue qui permet de transporter son œuvre. Redonner une fonctionnalité à l’œuvre d’art qui en était dépourvu par son statut permet de l’appréhender différemment. Une transformation a lieu, un glissement de sens apporté par un geste ou une ré-appropriation qui lui confère une aura nouvelle. L’ampleur du sauvetage des œuvres devient une performance artistique, tous les matériaux, les gestes et les sons, nécessaires au sauvetage, tels que les bétonneuses de la RATP, les parpaings stockés, les protocoles d’évacuations, les sirènes de pompiers, deviennent la partition d’une œuvre nouvelle. Le film se nourrit d’exemples tels que le disque interstellaire, d’œuvres célèbres comme la Venus de Milo ou du plan de sauvetage pour créer des rapprochements absurdes. Ce ton s’impose comme moteur du film tout en gardant un esprit analytique pour se poser des questions universelles sur l’art, sur notre manière de voir le monde, sur ce que l’on veut préserver à tout prix.

Simon Fravega

BIOGRAPHIE

Né en France en 1981. Vit et travaille là où il se trouve.

Après des études en communication graphique, Simon Fravega s’oriente vers des études d’arts plastiques à l’école supérieure d’art de Grenoble où il obtient son DNSEP en 2009. Depuis il développe une démarche artistique protéiforme, s’articulant autour d’un travail d’installation et un travail performatif. Il a présenté son travail dans de grandes institutions telles que le Centre Georges Pompidou, la Fondation Cartier, le Théâtre de Gennevilliers…

Il prend très au sérieux les vertus du déguisement et de l’anecdote. En action, il se cale sur les autres (sportifs, rockeurs, personnages de western ou danseurs de hula hoop), étudie les gestes qui les définissent et les rejoue en les décontextualisant. La nature de ces gestes chancelle alors : ils ne sont plus réflexes mais constructions humaines, voire, aux mains de l’artiste, chorégraphies. Mêlant cette activité de doublage différé à un flux de micro-récits, Simon Fravega tisse une réflexion sur l’écart entre les faits et leurs représentations. Et sous couvert d’humour et d’absurde, il identifie quelque chose d’essentiel dans le grand jeu du monde.

À l’instar de l’artiste Robert Filliou, l’art pour lui est une pédagogie existentielle, une manière d’être, la vie elle-même, mais fécondée par l’envie de créer, avec le sens le plus large donné au mot créer : aimer, communiquer, échanger, agir avec, jouer, inventer. C’est pourquoi il s’oriente vers l’enseignement car il lui semble que c’est le seul lieu où la force vitale de l’art peut être mise en œuvre pour le plus grand nombre. Donner des outils de perception qui aideront à appréhender le monde différemment c’est aussi son ambition en tant qu’artiste. Depuis il a repris des études autours des pédagogies alternatives pour travailler avec de jeunes enfants âgés de 3 à 6 ans.

Le site de Simon Fravega : http://www.simonfravega.com/